Bernard Golse
Pédopsychiatre-psychanalyste (Membre de l’APF). Chef du service de pédopsychiatriede l’hôpital Necker-Enfants Malades (Paris). Professeur de psychiatrie de l’enfant et del’adolescent, université Paris Descartes.

La filiation peut se définir comme un vécu d’appartenance réciproque, vécu qui, une fois mis en place, nécessite d’être remis en chantier tout au long de l’existence au sein d’un processus progressif d’adoption mutuelle entre adultes et enfants, y compris, dans le cadre de la filiation biologique. Aux trois axes proposés par J Guyotat (biologique, symbolique et psychique) pour définir la filiation, B Golse et M-R Moro proposent d’en ajouter un quatrième : l’axe du récit propre, à fournir une trame émotionnelle et à aider l’enfant à tisser son histoire subjective.

Cet axe renvoie à l’émergence d’un Soi verbal offrant, vers l’âge de dix-huit mois, la possibilité à l’enfant, grâce à l’intervention de l’adulte, de se « raconter » à lui-même sa propre histoire quotidienne. La qualité de la narrativité s’enracine, de fait, profondément dans la qualité́ des liens d’attachement précoce.

Seule cette histoire relationnelle permet à chacun de s’inscrire dans une double filiation, maternelle et paternelle, de mettre en œuvre les processus d’affiliation, de filiation et d’affiliation qui se trouvent dans un rapport dynamique dialectique : l’hypothèse étant que la mise en récit de la protohistoire de la rencontre permet ensuite aux axes symbolique et psychique de la filiation de se déployer de manière féconde. Qu’il s’agisse d’adoption nationale ou internationale, l’enfant adopté a besoin que son adoption soit mise en récit.

La filiation narrative c’est donc ce tissage entre filiation et affiliations multiples d’ici, de là-bas, d’aujourd’hui, d’hier et de demain, affiliations réelles, familiales, culturelles et sociales, mais aussi imaginées, fantasmées, inventées ou même rêvées. Les affiliations au sens d’appartenances peuvent être multiples, à plusieurs pays et à plusieurs histoires, mouvantes, dynamiques et changeantes.

Voir article : Bernard Golse, Marie Rose Moro
LE CONCEPT DE FILIATION NARRATIVE : UN QUATRIÈME AXE DE LA FILIATION
Presses Universitaires de France | « La psychiatrie de l’enfant »
2017/1 Vol. 60 | pages 3 à 24