La psychiatrie en milieu carcéral

Dr Guillaume MONOD
Jeudi 22 juin 2023 à 20h

Jeudi 22 juin 2023 à 20h – UFR de Médecine Amiens

La psychiatrie en milieu carcéral est-elle une thérapie du djihadisme ?

En 2015 est apparu une nouvelle catégorie de détenus, le détenu radicalisé islamiste, appelé également «AMT» (association de malfaiteur en vue de commettre un acte de terrorisme) ou «TIS» (terroriste islamiste). Les pouvoirs publics ont aussitôt demandé à la psychiatrie de participer à leur déradicalisation, par le biais d’une prise en charge thérapeutique. Cette demande est avant tout politique, comme l’indique la volonté de mettre en œuvre d’autres mesures à l’égard de ces «AMT» : la levée du secret médical, l’obligation de soins, la déchéance de la double nationalité.

Deux démarches sont particulièrement attendues de la part de la psychiatrie. La première, pratique, est la prise en charge de la déviance terroriste en tant que violence radicale, demande questionnante pour la clinique, car la violence n’est pas une maladie psychiatrique, ni une idéologie, mais un comportement. La seconde, théorique, est de fournir la caution psychiatrique pour la création d’une nouvelle figure du mal, celle du détenu AMT, dans le but de calibrer la boussole morale de la société, tout comme le parricide, le toxicomane, le pédophile ont rempli ce rôle par le passé.

Ce qui est en jeu dans cette demande émanant des pouvoirs publics est un retour aux fondements du rôle de la psychiatrie, tel qu’il avait été conçu au début du XIXème siècle, lorsque la philosophie pénale et la prison moderne avait été créées en bonne partie par les psychiatres aliénistes eux-mêmes : Charles Marc avait affirmé que «les fautes et les crimes sont des maladies de la société qu’il faut travailler à guérir». Au début du XXème siècle, Edouard Toulouse prônait la «prophylaxie des maladies mentales» pour «favoriser la prévention du crime». Plus récemment, de nombreux biologistes se sont attachés à rechercher un hypothétique «gène du crime».

Face à cette demande, la réponse de la psychiatrie ne peut pas être un simple refus de principe. Elle doit au contraire réfléchir à son rôle pour mieux argumenter ses réserves, quitte à repenser son rôle dans la société. En particulier, la psychiatrie doit se pencher sur la question des ressorts psychiques du djihadisme, afin d’établir, sans ambiguïté, que la psychiatrie n’est pas une thérapie du djihadisme, mais est une thérapie des idées reçues sur le djihadisme, ainsi que sur la construction des figures contemporaines du mal – qu’elles soient le djihadisme, le féminicide, le complotisme,…

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