le mardi 20 avril 2021 à 20H30
« Médiations thérapeutiques :
Comment médiatiser l’irrémédiable ? »
Par le professeur Silke Schauder avec Sonia Winter et L. & L.
Après l’attentat du Bataclan.
Autour de la projection du film réalisé par Sonia Winter avec deux victimes de l’attentat terroriste du Bataclan, nous analyserons comment la re-narcissisation, l’émergence d’un récit, le travail de décentrement, puis la construction et reconstruction symbolique vont s’opérer après la déflagration traumatique subie par ces deux jeunes femmes.
Nous visionnerons, en présence de Sonia Winter et, sous réserve, de ses deux patientes, le film thérapeutique qu’elles ont réalisées ensemble : https://www.soniawinter.fr/disorder/
Présentation par Silke Schauder de la praxis de la médiation thérapeutique
Dans ma réflexion et ma praxis du médiateur,j’ analyse comment les processus de création favorisent les processus psychiques au sein desquels un rôle central revient à l’image et ses capacités de symbolisation et de métaphorisation. Notamment l’objet film et sa sémiologie, son analyse de son vocabulaire et de ses techniques confortent l’analogie avec les processus psychiques où « couper » et « assembler » peuvent représenter le travail de la psyché. En effet, l’isomorphie est frappante entre la découpe temporelle, les processus de création filmique et la fonction de liaison psychique : ainsi, l’écriture du scénario, la prise de vue, le visionnage des rushes, le montage permettent d’opérer une mise en cohérence, une mise en sens du chaos interne du sujet, avec pour finalité d’assurer un nouveau travail de liaison psychique entre ses représentations. C’est comme si le dispositif filmique était analogue au travail psychique de la mère qui présente le monde au bébé en des parties portionnables, assimilables et nouvellement articulées. D’après Bion, la mère est chargée de traduire les éprouvés bruts du bébé, de transformer ses éléments beta en alpha :c’est lamère traductrice qui rend réintégrables les éprouvés bruts du bébé et, par analogie, ceux du patient, en les détoxifiant. Le montage et la mise en forme du film seront-il à même de remplir cette fonction ?
A propos de la réalisation de ce film
Il s’agit ici d’une esthétique mise au service d’une éthique et, partant, de la prise en soin post-traumatique, d’une praxis située, incarnée,vécue. Processus de création et processus de guérison, les deux allant de pair. Si Lacan a pu employer le terme « fraternité discrète » pour qualifier l’attitude du thérapeute, on sent dans l’étude de cas que présente Sonia Winter, une belle « sororité » envers ces deux jeunes femmes qu’elle a accompagnées dans le cadre de l’association 13or de vie, créée à la suite de l’attentat du Bataclan le 13 novembre 2015.
Comment leur dissociation post-traumatique a-t-elle pu être transcendée par le geste artistique ? Comment la dualité psychique réparatrice se déploie-t-elle dans ce projet filmique commun ? Nous retiendrons que le lien ne réside pas dans le média lui-même, mais dans les regards portés, dans la qualité du lien affectif que l’art-thérapeute Sonia Winter a pu nouer avec L et L. Ainsi, la création de ce film thérapeutique a permis de réunir, en les assemblant nouvellement, des éléments d’une proto-histoire, éclatée, éparse, en une histoire pensable, figurable, racontable. C’est entre autre la qualité du parcours artistique des trois, la sincérité avec laquelle elles restituent leur « faire œuvre » tant artistique que thérapeutique qui y a participé.
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